La communauté scientifique appelle à un plan d’action sur la population au Sommet de la Terre

Le Sommet de la Terre Rio+20 devra aboutir à des actions décisives pour la population et sur la consommation sans avoir peur de dépasser les tabous politiques, faute de quoi  il ne parviendra pas à trouver de solutions au déclin inquiétant de l’environnement mondial, affirment d’éminents membres de la communauté scientifique mondiale. 

Les pays riches doivent adapter ou radicalement transformer leurs modes de vie actuels. Il faudrait également redoubler d’efforts pour fournir des moyens de contraception à ceux qui le désirent dans les pays en développement. C’est ce qu’a mis en exergue un rapport publié le 14 juin par une coalition de 105 institutions scientifiques, dont la Royal Society britannique.

Ce rapport sonne comme un signal d’alarme pour les négociateurs réunis à Rio cette semaine dans le cadre de la conférence des Nations unies sur le développement durable.

Les auteurs du rapport ont souligné que même si le sommet de Rio visait à réduire la pauvreté et freiner la dégradation de l’environnement, il faisait peu de cas des deux solutions qui pourraient soulager la pression causée par la raréfaction des ressources.

Au sein de la communauté scientifique, nombreux sont ceux qui estiment qu’il est temps de s’attaquer à ces sujets tabous. « La population et la consommation ont été trop longtemps absentes des négociations en raison des sensibilités politiques et éthiques. Ces questions affectent pourtant les pays développés et en développement. Nous devons, ensemble, prendre nos responsabilités », a déclaré Charles Godfray, membre de la Royal Society et président du groupe de travail de l’IAP, le réseau mondial des académies des sciences.

Dans un communiqué commun, les scientifiques ont fait part de leur volonté de rappeler aux décideurs politiques de Rio+20 que la population et la consommation déterminent le niveau d’exploitation des ressources naturelles et la capacité de la planète à répondre, entre autres, à la demande alimentaire, énergétique et en eau aujourd’hui et demain. Les modèles de consommation actuels sont insoutenables dans certaines parties du monde. La forte hausse de la population mondiale peut avoir des retombées sociales et économiques négatives. Ces deux facteurs combinés entraînent une perte de biodiversité considérable.

Ce communiqué fait suite à un rapport percutant publié par la Royal Society en avril dernier, dans lequel l’organisation appelait à un rééquilibrage des ressources afin de réduire la pauvreté et soulager les pressions sur l’environnement qui laissent présager un avenir inégal et hostile.

La population mondiale devrait passer de 7 à 8-11 milliards de personnes d’ici 2050. Dans le même temps, la consommation des ressources augmente rapidement sous le coup du développement des classes moyennes dans les pays développés et du train de vie dispendieux des plus riches de la planète.

« Nous vivons au-dessus des moyens de notre planète. C’est un fait scientifiquement prouvé », a affirmé Gisbert Glaser du Conseil international pour la science, avant de citer en exemple l’acidification des océans, le changement climatique et la perte de biodiversité. « Nous avons atteint le point de l’histoire de l’humanité où nous risquons de dégrader le système de survie nécessaire au développement humain. »

Les académies scientifiques ont souligné que la réduction de la pauvreté restait une priorité, mais que les initiatives visant à promouvoir la planification familiale volontaire par le biais de l’éducation, de la santé et de la contraception pourraient contribuer à cet effort.

« Personne n’ose parler de la population de peur de paraître politiquement incorrect ou alarmiste. Pourtant, le débat sur la population ne devrait pas se limiter au simple nombre de personnes. Ce type de débat ne mènerait qu’à pointer du doigt certaines catégories de la population », a expliqué Lori Hunter, une démographe présente lors d’un évènement en marge de Rio+20. Elle a précisé que le schéma était plus complexe et nécessitait la prise en considération de facteurs qui façonnent les politiques démographiques. Dans certaines zones, a-t-elle expliqué, la raréfaction des ressources naturelles pousse les familles à s’agrandir à mesure qu’elles ont besoin de main d’oeuvre. La demande insatisfaite en contraception s’avère également problématique dans de nombreuses régions du monde.

« Il faut contrôler les facteurs décisifs pour la taille des familles », a déclaré Mme Hunter. « Pour résumer, on ne pourra pas sauver l’environnement sans mettre en oeuvre des programmes et des politiques sur la santé reproductive. Elle a également évoqué certains processus comme la migration, l’urbanisation et le vieillissement, qui influencent les impacts environnementaux des futures tendances de consommation.

Le premier texte de négociations de Rio+20 mentionne la nécessité de « modifier les modèles de production et de consommation », mais les États-Unis souhaitent supprimer les passages du texte indiquant que les pays développés devraient s’en charger.

D’autre part, le texte ne reconnaît pas réellement le fait que la croissance économique puisse être limitée par des facteurs écologiques. Cela s’explique en partie par le fait que même si les scientifiques parlent de « limites mondiales », celles-ci ne sont aucunement définies.

L’inventaire des ressources mondiales est toujours en cours, mais pourrait s’accélérer après le lancement, jeudi prochain, d’une nouvelle initiative scientifique intitulée Future Earth. Cette initiative réunit des académies, des fonds et des institutions internationales dans le but de coordonner des recherches sur la production alimentaire durable, les changements climatiques, la géosphère et la biosphère.

Le tableau pourrait être plus clair si la proposition de renforcer le Programme des Nations unies pour l’environnement était adoptée, ainsi qu’un plan de « révision régulière de l’état de la planète ».

M. Glaser, négociateur principal de la communauté scientifique à Rio+20, a fait savoir qu’aucun accord n’avait été conclu sur le texte de 80 pages.

« Ils jouent sur les mots au lieu de négocier les questions de fond. J’ai bien peur qu’à moins d’un miracle, le dénominateur commun soit si faible que les points de désaccord ne seront pas abordés. »

Jonathan Watts pour le Guardian, dans le cadre du Guardian Environment Network – Traduit de l’anglais par Coline Godard

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